La Voie Lactée
Aux étoiles j’ai dit un soir :
« Vous ne paraissez pas heureuses ;
Vos lueurs, dans l’infini noir,
Ont des tendresses douloureuses ;
« Et je crois voir au firmament
Un deuil blanc mené par des vierges
Qui portent d’innombrables cierges
Et se suivent languissamment.
« Êtes-vous toujours en prière ?
Êtes-vous des astres blessés ?
Car ce sont des pleurs de lumière,
Non des rayons, que vous versez.
« Vous, les étoiles, les aïeules
Des créatures et des dieux,
Vous avez des pleurs dans les yeux… »
Elles m’ont dit : « Nous sommes seules…
« Chacune de nous est très loin
Des sœurs dont tu la crois voisine ;
Sa clarté caressante et fine
Dans sa patrie est sans témoin ;
« Et l’intime ardeur de ses flammes
Expire aux cieux indifférents. »
Je leur ai dit : « Je vous comprends !
Car vous ressemblez à des âmes :
« Ainsi que vous, chacune luit
Loin des sœurs qui semblent près d’elle,
Et la solitaire immortelle
Brûle en silence dans la nuit. »
Sully Prudhomme (1872)
The Milky Way
To the stars I said one evening:
“You don't look happy;
Your lights, in the dark infinity,
Have painful tenderness;
“And I think I see in the firmament
A white mourning led by virgins
Who carry innumerable candles
And follow each other languidly.
“Are you still praying?
Are you wounded stars?
Because these are tears of light,
No of the spokes, which you pour.
“You, the stars, the ancestors
creatures and gods,
You have tears in your eyes…”
They said to me: “We are alone…
“Each of us is very far
Of the sisters to whom you believe her to be a neighbor;
Its caressing and fine clarity
In his homeland is without witness;
“And the intimate ardor of its flames
Exhale to indifferent skies. »
I told them: “I understand you!
For you look like souls:
“Like you, each one shines
Far from the sisters who seem close to her,
And the immortal lonely
Burns silently in the night. »
Sully Prudhomme (1872)
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